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Brest, Métropole et Port. Visite du 27 mars 2024, Agrobreizh en association avec "X Bretagne"
L’association « X Bretagne » (président Dominique de Robillard), avec le soutien de Ponts alumni et de ENSTA Bretagne alumni, a invité Agrobreizh à se joindre à une visite de Brest le 27/03/2024 : rencontre de Michel Gourtay, vice-président économie de la métropole, président de la technopole et ancien directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie, puis visite du port avec Christophe Chabert, président de son directoire, le tout conclu autour d’un buffet convivial.
Le nombre de participants à l’évènement (plus de quarante personnes), qui comprenait aussi quelques alumni d’HEC, témoigne de la vigueur de X Bretagne. Agrobreizh était représenté par Francis Trocherie (en réalité X IPEF), Thomas de Saint Maur (PG 90, directeur de programme, Naval group) et moi-même. Morgane Pape (R15), la sœur d’un des participants, n’était pas présente.
Résilience et développement territorial
Au terme de la visite, Brest s’illustre à la fois comme un exemple de la singulière volonté de résilience bretonne et comme un cas inspirant de développement territorial. Détruite par les bombardements aériens alliés et par le siège de 1944, excentrée à l’extrémité du continent, la ville a su se hisser au rang d’un de premiers pôles d’attractivité bretons.
Cette évolution est soutenue par la Stratégie Métropolitaine de Développement Economique (SMDE Cap 2030 ), présentée par Michel Gourtay et sa conseillère Maëlle Le Berre le 27 mars. Exercice remarquable, la SMDE Cap 2030 englobe tous les aspects de l’activité locale : économique, sociale, culturelle et désormais environnementale. Elle recherche l’attrait de la ville et accorde le plus grand soin à son image (l’effort de communication n’était pas sans rappeler celui de la Cooperl). A noter : dans la Stratégie l’emploi est le critère primordial de performance.
En ce qui concerne l’image, ma déambulation le lendemain m’a fait découvrir le centre-ville reconstruit (quartier de la rue de Siam) d’une propreté impeccable, tenu au cordeau. Brest s’efforce de valoriser l’œuvre de reconstruction urbaine de Jean-Baptiste Mathon (1893-1971), grand prix de Rome 1923. Le musée des beaux-arts était animé d’ateliers pour enfants et de visiteurs adultes. Il contient quelques œuvres intéressantes notamment Nabis et autres peintres de qualité moins connus proches de l’école de Pont Aven.
Secteurs socle
La vie économique de la métropole repose sur quelques « secteurs socles », à commencer par sa base navale qui offre – avec Lorient - 10.000 emplois. Cette activité historique fut créée au 17è siècle à Brest par Richelieu (1585-1642), transformant la bourgade en « la ville française de Bretagne ». Au XXè siècle, l’agro-industrie a aussi imprimé sa marque avec les grandes entreprises notamment coopératives nées dans le voisinage, par exemple à Landerneau. Le Crédit Mutuel Arkea, seule banque française de son importance dont le siège est en région, contribue à l’ancrage du pôle finance-assurance de la ville.
Plus récente est l’économie de la connaissance, stimulée par l’arrivée de l’université en 1960. Brest accueille aussi une multitude de grandes écoles et vante sa population de 30.000 étudiants (la moitié de Rennes). Le pôle de l’enseignement et de la recherche attire la jeunesse autant que la « tech » (19.000 emplois dans le numérique) et l’économie de la santé ; elle stimule le développement d’une activité de recherche de pointe, variée. L’océanographique occupe à elle seule pas moins de 1.800 chercheurs. Le Campus mondial de la mer regroupe des pôles de recherche divers, jusqu’à la station biologique de Roscoff (CNRS).
Reconquête industrielle
Soucieuse de reconquérir une activité industrielle, la métropole compte sur son port pour répondre à ce défi. Elle veut échapper au piège de la « tertiairisation », sort des agglomérations qui dépérissent dans une activité réduite au tourisme. Pour autant, Brest ne néglige nullement son potentiel touristique. Le port, par exemple, attire les escales de paquebots. La mer et le littoral contrribuent à l’idéal de la « Brest life » promue dans la SMDE.
Un des objectifs de la stratégie est de « faire des transitions un moteur du développement économique ». Cette orientation de l’investissement est pratiquée dans l’industrie par la valorisation de l’économie circulaire (recyclage et exportation de déchets de bois et de métaux). Dans le même esprit, la métropole n’omet pas de s’intéresser au potentiel de la silver economy et à la demande de la population « senior », ou encore à la remise aux normes des bâtiments, etc.
Le port de Brest
Dans la célèbre et spectaculaire rade de Brest, le port peut fonctionner sans bassin ni écluse malgré les marées. Le marnage dépasse les 5 mètres mais, aux pieds d’une falaise, les quais sont d’emblée en eau profonde. Pourtant, et bien que le premier de Bretagne en tonnage, le port ne connaît qu’un commerce modeste.
Le commerce international de Brest se limite à l’importation de carburants et d’aliment pour le bétail, principalement soja américain et brésilien dont sont tirés l’huile et les tourteaux riches en protéines. Les exportations quant à elles, sont limitées et opportunistes, essentiellement celles que permet l’exportation des produits du recyclage industriel. Le port de Brest, comme on sait, manque d’arrière-pays. L’Elorn n’est pas la Seine, Landerneau n’est pas Rouen et Rennes n’est pas connectée par voie fluviale. Nantes, l’autre grande métropole régionale, dispose de son propre port.
Dès lors, le port de Brest aspire à développer une base industrielle autour de la réparation navale et, aubaine de la transition énergétique, des EMR (énergies marines renouvelables), en clair la construction et l’entretien de plateformes éoliennes. Le port a repris à la mer un « polder » destiné à accueillir un parc industriel et offre un espace foncier aux entreprises, atout valorisé par la politique du « zéro artificialisation nette » (ZAN, loi Climat et résilience). A défaut d’arrière-pays, Brest se tourne vers la mer et cultive les partenariats avec d’autres ports pour offrir des services complémentaires groupés et asseoir les activités industrielles du port.
Emploi et matière grise
Au-delà de l’emploi, la stratégie métropolitaine est attentive à la transition sociale et aux défis de l’emploi et de la démographie. Défi n° 1 de la SMDE Cap 2030: « Un territoire attractif et hospitalier à l’appui d’un positionnement fort pour séduire, attirer et retenir sur notre territoire les femmes, les hommes et les activités ». La stratégie vise tous les niveaux de formation, en soignant ceux de la recherche, parmi les plus élevés. Mais au port, on se préoccupe aussi du sort de la main d’œuvre plus manuelle. Le déclin progressif du métier de chauffeurs routiers et celui des dockers appellent l’innovation technique : automatisation complète du port de grains, retour aux modes de transport multimodaux (port/rail/route), etc.
Brest voit son infrastructure de transports autant comme un moyen d’accès aux marchés) que comme un moyen de connexions intellectuelles. Inscrit au Réseau transeuropéen de transport, « RTE T », le port de Brest peut désormais émarger aux aides européennes. Mais c’est à l’accès à la matière grise plutôt qu’aux débouchés que correspond la demande d’une liaison ferroviaire à 1h30 de Rennes et de 3h00 de Paris (actuellement 3h50). Un visiteur a cependant remarqué qu’au stade actuel de confort du TGV, il était aussi important d’assurer par le Wifi les moyens d’un bureau mobile moderne que de gagner quelques minutes dans le trajet.
Intégration territoriale
Un des aspects exemplaires de la stratégie métropolitaine est le souci d’intégration du territoire. Le développement industriel est ainsi vu comme un moyen de fixation de la population et une force d’entrainement de l’économie locale. Par ailleurs, la stratégie demande de mieux intégrer l’université, la recherche et les entreprises. La stratégie est elle-même une occasion de dialogue entre secteurs et de transversalité.
Du point de vue économique et social, cette démarche n’est pas l’inverse de celle des parcs naturels régionaux (Rance-Emeraude présenté à l’AG Agrobreizh en mars 2023) qui veulent stimuler une activité territoriale intégrée en encourageant les circuits courts. A Brest, on veut développer les circuits intégrés au sens économique, sans négliger l’économie numérique, comme on l’a vu.
Le terrain pourrait-il être propice à une expérience de monnaie locale, à l’instar de la livre de Bristol ? La question n'a pas été évoquée.
Que retenir pour les agros ?
A Brest, l’agro-alimentaire est considéré comme un « secteur socle » mais son intérêt et perçu davantage dans sa stabilité que dans son dynamisme. C’est la recherche qui doit répondre aux besoins de l’avenir. Elle peut à Brest s’intéresser au milieu marin. Dans cette logique Brest veut valoriser son économie de la connaissance en activant son rôle de socle d’incubation d’entreprises innovantes et de solutions pour la transition agroécologique.
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